Comme argument, on fait appel à un afrocentrisme déplacé qui considère l’homosexualité comme héritage de la colonisation. Ici, l’homosexualité est ‘non-africaine’ et le vide linguistique qui entoure parfois la question, dans certaines sociétés africaines, serait la preuve même qu’elle n’existait pas avant la colonisation. Le raisonnement devient le suivant : comment parler de quelque chose qu'on ne peut même pas nommer dans les langues vernaculaires locales ? S'il n'y a pas de mot pour désigner une réalité, n'est-ce pas la preuve qu’elle n'existe tout simplement pas ? Et si l'on ne peut pas nommer l'homosexualité, on ne peut encore moins évoquer ses conséquences comme par exemple le taux élevé des personnes infectées par le VIH chez les homosexuels...
Non seulement l'homosexualité semble ne pas exister dans le vocabulaire, mais elle est aussi niée dans le domaine politique qui la condamne farouchement. Les pratiques homosexuelles sont illégales dans deux tiers des pays africains (Gueboguo, 2007).
Le vent de démocratie des années 1990 qui a culminé dans la libération de l’Afrique du Sud du joug de l’Apartheid a inscrit dans les annales de l’histoire la naissance de l’émergence des voix luttant pour la libération sexuelle en Afrique. Simon Nkoli, homosexuel, militant politique reconnu de l’ANC en ces années-là, menait un groupe de gays, lesbiennes et sympathisants, toutes races confondues, dans les rues de Johannesburg pour manifester contre les violations des droits des homosexuels en Afrique du Sud et demander la reconnaissance de leur place légitime dans ce pays.
Ces revendications ont été prises en compte par les différents groupements politiques, ce qui a garanti aux homosexuels la protection étatique par l’inclusion de ces revendications dans le premier draft de la constitution de la nouvelle Afrique du Sud qui fut, par la suite, votée et adoptée par le parlement Sud Africain. Ceci a conduit à l’adoption par l’Afrique du Sud le 1er décembre 2006 d’une loi autorisant l’union des personnes de même sexe.
L’exemple de l'Afrique du Sud a motivé plusieurs autres gays et lesbiennes à lutter pour le respect de leurs droits fondamentaux, mais très rarement on a vu une réaction comme celle de l’Afrique du Sud. Au contraire, des gouvernements comme celui du Nigéria ont essayé d’introduire de nouveaux projets de loi interdisant même des manifestations revendicatives des droits humains liés à l’homosexualité.
Considérée comme un succès, bien que partie d’un mouvement de libération assez long et douloureux, l'expérience sud-africaine a servi de spécimen pour les homosexuels sur tout le continent. Les mobilisations intracontinentales ont commencé à se faire, parfois autour d’associations illégales, pour revendiquer le respect de leurs droits élémentaires. A ce sujet, les politiques répondent très souvent avec des attaques. Mais, déterminés et pas prêts à abandonner de sitôt, les militants homosexuels africains continuent de faire entendre leur voix. Ils persistent et signent et ils ne s’arrêtent pas même quand ils se sentent en danger de mort.
Fannyann Eddy, militante sierra-léonaise et fondatrice de la Sierra Leone Lesbian and Gay association (SLLAGA) qui était allée jusqu’à attirer l’attention de l’ONU, lors de l’une des sessions du OCHR sur la situation des homosexuels dans son pays, avait été trouvée assassinée dans son bureau le matin du 6 septembre 2004. Jusqu'à ces jours les causes de sa mort n’ont pas été déterminées, mais les membres de son association croient fermement que l'Etat y est pour quelque chose, ce qui ne les a pas empêchés de continuer leurs activités de revendication.
Juliet Victor Mukasa, militante lesbienne ougandaise, présidente fondatrice de Sexual Minorities Uganda (SMUG), une association de défense des droits des personnes homosexuelles en Ouganda, vit depuis deux ans en cachette ou dans des maisons sécurisées quand elle est en Ouganda. Elle avait porté plainte contre le Procureur Général pour violation de domicile et atteinte à sa vie privée après que des policiers sont descendus chez elle, un soir de juillet 2005, pour fouiller sa maison et emporter des documents de travail portant sur l’orientation sexuelle. Le but était de l'empêcher de continuer ses activités de défenseure des droits des personnes homosexuelles en Ouganda.
Bien que les revendications n’aient souvent pas été entendues, la recherche sur le VIH dans les communautés d’homosexuels masculins s’est avérée un moyen efficace de lutte pour une inclusion tacite de ces catégories dans les Programmes Nationaux de Lutte contre le Sida (PNLS). Alors que le Kenya condamne l’homosexualité à des peines allant à plus de 14 ans de prison, la commission kenyane de lutte contre le VIH a forcé l’inclusion des homosexuels dans son programme national de lutte contre le VIH. En incluant les communautés des hommes qui entretiennent des rapports sexuels avec d’autres hommes dans leurs PNLS, le Sénégal et le Nigéria, deux des Etats les plus conservateurs en Afrique ont reconnu la vulnérabilité de ces groupes face au VIH et ont répondu à l’appel des groupes militants dans ces pays-là pour l’accès universel aux soins.
L’exemple de l’Afrique du Sud a interpellé la conscience de plusieurs membres de la société civile dans d’autres pays africains, surtout les pays de l’Afrique Australe.
Cependant, les homosexuels, soucieux de leur condition et conscients des inégalités sociales basées sur l’orientation sexuelle des individus, ont décidé d'être maîtres de leur propre devenir. Ils se constituent en associations pour lutter contre les violations de leurs droits individuels. En 1990, le vent de démocratie qui a interpellé la conscience des Africains à faire respecter leurs libertés individuelles, entre autres, a aussi favorisé l'émergence des associations de lutte pour les droits des personnes homosexuelles. La plus vieille association en date est la Gays and Lesbians of Zimbabwe (GALZ), fondée en 1990 (Epprecht, 1998). Elle était d’abord une association de Blancs mais, avec les taux élevés de personnes homosexuelles noires infectées par le SIDA, l'association a commencé à s’occuper aussi des besoins des homosexuels de race noire.
La lutte contre les inégalités sociales en Afrique du Sud a ouvert le champ à la lutte contre toutes formes de discriminations, y compris celles basées sur l’orientation sexuelle. En 1990, Simon Nkoli et Beverly Ditsie, deux militants homosexuels noirs, ont initié la première marche de la fierté gay dans les rues de Johannesburg, où Noirs et Blancs, dans les mêmes rangs, défilaient ensemble pour manifester leur fierté et pour revendiquer leurs droits.